Le cinéma se présente souvent comme un témoin d’une époque ou d’une société. On oublie souvent de préciser qu’il est d’abord le reflet d’une mentalité, d’une façon de voir le monde, celles d’un réalisateur mais surtout celles de sa classe sociale, le milieu bourgeois ou petit-bourgeois ( termes ici utilisés sans intention péjorative ou méprisante ) pour la France. Quelles visions de la France, du monde et de la francophonie, représentations de cette classe sociale, peut-on deviner dans les films français? Cet article se propose d’ en révéler quelques aspects, forcément non exhaustifs …
Dans les films français, la société française se cantonne principalement à la bourgeoisie, parisienne de préférence. Celle-ci possède de vastes appartements remplis de livres et lorsqu’elle séjourne en Province, les résidences secondaires sont toujours luxueuses et proprettes, même si elles sont inoccupées depuis des mois.
Dans les films français, la bourgeoisie provinciale est forcément étriquée, engoncée dans ses principes et cupide. Elle ne peut être qu’un pâle reflet de sa consœur parisienne mais elle est, pour cette dernière, tout de même, de fréquentation préférable aux simples quidams provinciaux, ces curieux Français qui n’ont pas la chance d’habiter LA capitale ( centre du monde, nombril de la France , etc etc …)
Dans les films français, l’action se passe surtout à Paris. La Province est souvent une terra incognita, qui de toutes façons, ne souffre pas la comparaison avec la capitale. Le monde se réduit aux États Unis, des pays comme le Portugal ou la Suède semblent n’avoir jamais existé et le continent africain est toujours considéré comme une vaste zone de non-droit, sous-développée, dévastée par la misère, une zone de non-civilisation.
Dans les films français, la francophonie est un mot inconnu, une incongruité presque. Les pays francophones, mis à part le Québec ( comme ils sont amusants avec leur accent !), sont ignorés. Lorsqu’un Africain apparaît, il est dans son rôle d’immigrant illettré, pauvre et fasciné par notre beau pays, centre du monde, nombril de la Terre, etc etc.. ;. L’information que l’Afrique francophone se développe économiquement à pas de géant n’est apparemment pas diffusée sur les écrans des bourgeois hexagonaux.
Dans les films français, les ouvriers n’existent pas ou lorsqu’ils apparaissent à l’écran, ils sont vulgaires, pauvres, parlent fort et habitent le Nord de la France. Pour les voir exister véritablement, il faut regarder les films des frères Dardenne, des Belges. ( Rosetta, Le fils, Deux jours une nuit, ... )
Dans les films français, rien dans l’école n’a changé depuis 50 ans. L’enseignant est une enseignante, avec chignon serré sur la tête et lunettes démodées au nez. Ses habits témoignent d’un goût sûr pour les années 60. Quant aux élèves, ils écoutent sagement les consignes, dans le plus grand silence. Quand ils sont en activité, ils résolvent des problèmes de robinet qui fuient ou de baignoires qui se remplissent ; ils peuvent aussi retranscrire – ou du moins essayer de retranscrire – sur leurs cahiers des dictées dont les auteurs pourraient, à juste titre, être considérés comme de véritables psychopathes de l’orthographe ( « … Des buissons chétifs et difformes sifflaient dans les clairières. Les hautes herbes fourmillaient sous la bise comme des anguilles … » ).
Dans les films français, lorsque les gens sont bilingues, c’est forcément français-anglais. Ainsi, dans Jappeloup de Christian Duguay, l’action se passe essentiellement dans les années 80, à une époque où la diffusion de l’anglais en France était faible. Pourtant, du palefrenier au propriétaire de chevaux, personnages français et vivant en France, tout le monde parle un américain fluide lorsqu’ils discutent avec un Anglo-Saxon. On peut supposer que des cours d’anglais étaient diffusés en permanence dans les écuries, entre deux soins prodigués aux chevaux.
Dans les films français, il est de bon ton de n’ écouter que des chanteurs anglo-saxons et de chanter uniquement en anglais. Même dans une série comme Paris, diffusée récemment sur Arte ( une chaîne de télévision franco-allemande ), les chansons sont en anglais, prononcé à la française. Ainsi, on est sûr de n’être compris par personne : les francophones, dans leur grande majorité, ne comprennent pas les paroles et l’on peut supposer que cela est valable pour les Allemands. Et les Anglo-saxons, eh bien de toutes façons, ils ne regardent pas les films tournés dans une langue autre que l’anglais !
Dans les films français, les étrangers gentils ont l’accent américain. Une personne s’exprimant en allemand, en russe ou dans un patois de l’Europe de l’est, est au mieux suspecte, dans la plupart des cas antipathique. L’accent espagnol ne fait pas sérieux et convient aux magouilleurs. Quant à l’italien, il s’applique aux charmeurs, dont il faut forcément se méfier. L’accent africain, tout comme celui du Nord de la France, concernera de préférence un pauvre illettré. Quant à l’accent québécois, il gêne parfois la compréhension mais comme il est exotique !
Dans les films français de demain, on parlera peut-être de moins en moins français pour espérer mieux toucher un public « international », mais si possible étasuniens ( qu’un film français rencontre le succès en Allemagne ou au Québec, personne n’en a cure )
Dans les films français de demain, l’adjectif « français » sonnera peut-être aussi faux que l’adjectif « démocratique » dans la feue République Démocratique Allemande.
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